September 23, 2021By Fouad Marhar

HealthySimulation.com interviewe le président de SoFraSimS, le professeur Dan Benhamou

Cette semaine, HealthySimulation.com discute avec le Professeur Dan Benhamou, MD, PhD, responsable du pôle médico-universitaire d’anesthésie-réanimation de l’université Paris-Saclay. Il est aussi président de l’IQS (Institut de la qualité et sécurité en santé) et de la SoFraSimS (Société Francophone de Simulation en santé) depuis bientôt 4 ans. Président de l’institution MAPAR (Mise au point en anesthésie réanimation) active depuis 40 ans dans la pédagogie en anesthésie-réanimation, le Professeur Dan Benhamou nous a livré, le temps d’une discussion riche et passionnante son point de vue sur la simulation en santé en France, et au-delà. Dans cette interview, HealthySimulation.com explore avec l’expert du jour l’avenir de la simulation en France, sa place à l’internationale et les implications liées au COVID-19.

HealthySimulation.com: Pour ceux qui seraient nouveaux dans le monde de la simulation, pourriez-vous vous présenter succinctement ?

Professor Dan Benhamou: Tout d’abord, je suis médecin et ma spécialité est l’anesthésie-réanimation. Je suis ravi d’avoir fait cette spécialité, je n’ai vraiment pas de regrets au terme de 30-40 ans de carrière. J’ai eu un mentor exceptionnel qui s’appelait le Professeur Samii. On ne peut pas rêver mieux pour débuter et conduire sa carrière. Il m’a à la fois appris énormément de choses, et a ouvert mon esprit sur de nombreux sujets.
Mon travail clinique est l’essentiel de ma vie professionnelle mais je dois aussi citer mon caractère personnel avec ses défauts (que je ne vais pas citer ici) et certaines qualités que je m’autorise à identifier : d’abord la ténacité et la capacité de travail qui sont je pense plus importantes que pour beaucoup de gens, et puis un enthousiasme pour tout, TOUT M’INTÉRESSE !!


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Au cours de mes 40 années de carrière, j’ai vécu des étapes successives toujours en maintenant l’intérêt pour les précédentes. Au début, par exemple, je m’intéressais beaucoup à la physiopathologie respiratoire, puis mon intérêt s’est tourné vers l’anesthésie locorégionale, puis l’obstétrique, (…) la transfusion, la qualité et la sécurité des soins. Pour ma fin de carrière, mon intérêt concerne actuellement la simulation, et plus largement la pédagogie. Je trouve que cet aspect est très négligé, mais la réflexion commence en France.

Notre attention pour l’apprentissage devrait être plus important car c’est la seule façon de devenir un bon soignant. J’ai pris conscience de ce retard il y a 10-20 ans. Ce retard est un problème important car on ne peut pas optimiser la compétence de ceux qui vont soigner sans améliorer les connaissances et les compétences (…). Je regrette presque de ne pas avoir prêté attention plus tôt à cette question.

Dans notre environnement, il n’y avait traditionnellement aucune incitation à la pédagogie, ni de valorisation. Les choses se modifient un peu. Par exemple, pour les nominations de professeur en médecine, en parallèle du score SIGAPS (Système d’Interrogation, de Gestion et d’Analyse des Publications Scientifiques), une autre cotation appelée SIAPS (score individuel d’implication dans la pédagogie en santé) met en valeur la part d’enseignement du candidat à la nomination universitaire. Celle-ci est de plus en plus valorisée et peut commencer à peser dans certains cas même si le côté recherche est dominant.

HealthySimulation.com: En quelques mots supplémentaires, parlez-nous de votre activité dans le domaine de la simulation.


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Professor Dan Benhamou: D’abord, je souhaite débuter en évoquant la place historique de ma discipline, mon métier (l’anesthésie-réanimation) dans la simulation. Notre culture, le milieu dans lequel nous évoluons depuis le début de notre formation, nous apprend à travailler avec les autres et cet élément là nous conduit naturellement à une notion facilement acquise d’interprofessionalité et de multidisciplinarité. La simulation vient historiquement de l’aviation dans laquelle la réflexion a été bâtie à partir de crises, d’évènements graves… et pour nous, la crise, c’est notre vie quotidienne. Ainsi, quand on associe ces deux aspects, on comprend pourquoi le développement de la simulation s’est fait tout simplement, naturellement.

HealthySimulation.com: Quelle est votre première intéraction avec le monde de la simulation ?

Professor Dan Benhamou: Très fort souvenir…. Stanford, 1988 ou 1989. J’allais au congrès de l’ASA à San Francisco et je passais quelques jours chez mes amis qui étaient tous deux professeurs d’Anesthésie à Stanford. Je les ai accompagnés au travail et nous sommes allés à la faculté où j’ai découvert le centre de simulation. Schématiquement, une pièce haute-fidélité, et la régie. La technologie n’était pas aussi développée que maintenant mais il y avait déjà un environnement de bloc opératoire assez réussi. Et au moment où nous passions il y avait une simulation en cours avec des internes d’anesthésie sur un arrêt cardiaque. Les internes, pendant les 10-15 minutes du scénario, avaient totalement oublié d’injecter de l’adrénaline. Pourtant il s’agissait d’internes avancés dans leur cursus. Et je découvrais mon premier débriefing avec David Gaba en personne.

Et là, je me suis dit, “on n’aura jamais ça chez nous, ça ne viendra jamais en France…”. Et de fait, entre cette époque-là et le développement de la simulation en France, il s’est écoulé 15-20 ans. Pendant ce temps-là j’avais cela en tête en me disant c’est formidable mais nous on n’aurons pas les moyens, nous ne sommes pas assez organisés, bref… on n’y arrivera jamais. Et puis les choses ont changé petit à petit. Nous avons acheté notre premier mannequin ici, à Bicètre, grâce au MAPAR en 2002, et nous avons commencé à faire nos premières simulations là où l’on pouvait, dans une salle de cours. Donc voilà, ma première expérience c’est Stanford 1988-1989. J’ai vu David Gaba, pas mal quand même pour une première. C’est un joli souvenir.

HealthySimulation.com: Merci pour ces précisions. Comment décririez-vous la situation de la simulation en France.

Professor Dan Benhamou: En progression…Élève en progression qui travaille et fait beaucoup d’effort. Il faut favoriser son développement. Mais à côté de cela, on constate une énorme hétérogénéité. Des endroits avec des structures qui fonctionnent bien et qui ont de grands rendements en termes de formation et de recherche, et puis des endroits qui sont encore très débutants. Parmi les actions qu’il faudrait résoudre au niveau ministériel, il faudrait à mon sens:
1) continuer l’aide au développement car nous sommes très très loin du plateau d’activité minimal dans certains centres, même importants. Ici par exemple (Paris Saclay), les étudiants en médecine n’ont accès à la simulation pour la partie relation médecin-patient qu’une fois dans leur cursus.
2) aider à rattraper le retard de ceux qui sont en retard.
Le but étant de réduire cette hétérogénéité.

HealthySimulation.com: Monsieur Benhamou, je me permets de rebondir en faisant le lien avec une discussion que nous avions déjà eu à ce propos. Quelle est la place des réseaux de centres de simulation à ce sujet ? Avez-vous une réflexion sur le sujet ?

Professor Dan Benhamou: On n’a pas beaucoup avancé sur le sujet mais nous y réfléchissons activement puisque nous avons déjà fait plusieurs demandes à la HAS ( …). Dans le guide de 2012, la notion de regroupement d’activité était déjà évoquée avec le terme “plateforme”. C’est pour moi aujourd’hui un sujet crucial. On en parlera avec la HAS dès que possible dans le cadre de la certification des centres de simulation. Dans le référentiel de certification, le modèle est basé sur les centres, et il faut ajouter la possibilité d’inclure la certification des réseaux. Le plus connu et qui existe déjà c’est le réseau HUGO (Hôpitaux Universitaire du Grand Ouest) autour d’Angers. Il existe un réseau ici autour de la faculté de Médecine Paris Saclay au sein de mon Université.

Il existe au moins 2 modèles : le modèle HUGO avec 3 CHU donc un réseau avec des structures de même type (taille), et un autre avec une structure centrale qui coordonne des actions avec des partenaires plus modestes. D’autres modèles existeront peut-être. En tout cas, le réseau est crucial à mon sens. Le coût du matériel est aussi un argument qui favorisera la création de regroupement d’activités de simulation pour des activités très spécifiques et coûteuses comme la radiologie interventionnelle ou la neurochirurgie par exemple. Il faudra créer des liens logistiques, techniques et financiers. Nous attendons la réunion annuelle avec la HAS pour avancer sur le sujet. La révision du Guide apportera probablement plus de nuances sur le sujet. Si on observe les 95 centres référencés sur le site de la SoFraSimS, on observe l’hétérogénéité et donc la nécessité de créer des regroupements de partages d’activité et d’expertise.

HealthySimulation.com: Vous rencontrez un membre de la communauté de simulation novice ou déjà actif, et il vous demande un (seul) conseil pour optimiser sa pratique. Que lui répondez-vous?

Professor Dan Benhamou: La première chose pour un novice c’est d’aller voir des sessions, des débriefings, d’aiguiser sa curiosité. Et pour ceux qui ont déjà un pied dedans, c’est de se former. Se former c’est à dire entrer dans le système qu’est la simulation. Il faut se former grâce à de la formation théorique, des DU, des formations courtes etc.. et puis il faut participer à une activité. Ce n’est pas très original mais cela rejoint l’idée d’intégrer un groupe. Je pense qu’une fois qu’on a vu, le virus s’attrape vite et facilement. L’enchaînement se fait ensuite et cela crée un cercle vertueux de dynamisme.

La “cerise sur le gâteau” est clairement la recherche en sciences de l’éducation à mon avis, donc essayer de se rapprocher d’une structure universitaire. La maturité du système viendra aussi de notre capacité à innover au niveau intellectuel, donc c’est la recherche. Le modèle universitaire est logique même s’il n’exclut pas l’existence des autres types de structures notamment privées. En tout cas, il faut qu’on fasse de la recherche et de la recherche en pédagogie. C’est une manière unique de créer des réseaux internationaux, du dynamisme, de trouver de nouveaux financements.

HealthySimulation.com: Vous encouragez donc les gens à s’infecter et à se transmettre le virus de la simulation et à participer à des activités de recherche dans le domaine…(rires). Une question maintenant un peu particulière. Avez-vous un souvenir d’un élément du monde de la simulation qui a généré en vous un enthousiasme, une excitation particulière ?

Professor Dan Benhamou: Comme ça, pas vraiment. Au début, la technologie, la qualité des matériaux d’une manière générale, j’ai été ébahi comme tout le monde à la première vue d’un mannequin haute-fidélité. Mais en fait, moi, je suis plus attiré par la réflexion. Quand je lis un article qui décrit un nouveau concept, une nouvelle idée, je suis très excité. C’est une chance car il y a toujours 10-15 papiers par an qui nous relancent dans notre enthousiasme. C’est plus cela qui me stimule maintenant, plus que le matériel.

HealthySimulation.com: Comment votre équipe de simulation a répondue au COVID-19 localement et quels autres retours d’expérience avez-vous observé ?

Professor Dan Benhamou: Nous avons fait un peu à minima contrairement à d’autres. Ce n’était pas une volonté de ne pas faire, c’est que le COVID est arrivé brutalement et n’a pas laissé le temps de se préparer, de créer des choses et surtout, les équipes qui font de la simulation chez nous (et souvent ailleurs) sont les personnes qui ont soigné les cas de COVID graves. C’est ce lien avec les soins critiques omniprésents dans les centres de simulation que je faisais tout à l’heure. Le quotidien clinique a pris le dessus sur la formation par la simulation.



Il y a eu des initiatives in-situ dans notre bloc opératoire avec apprentissage de l’habillage grâce à Antonia (Blanié). Nous avons fait aussi des formations au laboratoire de simulation pour des personnels de renfort qui venaient d’autres hôpitaux (et/ou d’autres structures de soins mais qui n’avaient pas de pratique de la réanimation) et qui sont venus donner une aide aux équipes parisiennes débordées. Nous avons fait des formations d’une journée maximum pour leur montrer les bases de ce qu’ils allaient voir en réanimation. Des remises à niveau pour leur éviter d’être en difficulté à la prise de poste.

Nous n’avons fait que cela. Nous aurions bien voulu faire plus. Je sais qu’à Caen, par exemple, et à Toulouse me semble-t-il, des équipes ont réalisé des actions de simulation plus importantes, mais il semble qu’ils aient eu un délai plus important (15 jours – 3 semaines) pour se préparer. Ici c’est arrivé trop brutalement et on n’a pas pu faire plus. C’était une petite déception mais nous n’avons pas eu le choix.

HealthySimulation.com: Une question qui me tient particulièrement à cœur comme vous le savez, quelle est selon vous la place de l’industrie dans ce milieu d’expert en pédagogie par la simulation ?

Professor Dan Benhamou: Merci pour cette question car je pense qu’il s’agit aussi d’un enjeu d’avenir. La simulation représente clairement un marché grandissant et il est probable que cela augmente de manière exponentielle avec la sortie de référentiels de bonnes pratiques dans toutes les disciplines du soin et de l’horizon prochain de la re-certification.

Il est clair que la plupart des entreprises ont une vocation essentiellement commerciale et on ne peut pas leur en vouloir, mais notre rôle en tant qu’experts, en tant que société savante, c’est d’organiser les interactions et la transparence sur ce sujet pour ne pas répéter les erreurs du passé dans les autres domaines du soin. C’est l’objet de ton (Fouad Marhar) initiative d’ailleurs, que j’ai défendue auprès du comité d’administration de la SoFraSimS, de création d’un groupe de travail “Synergie avec l’industrie”. Le terme est bien choisi je trouve car il permet de rappeler que tout le monde doit être gagnant en étant au service de la formation des soignants et donc des patients. Il me tarde de voir les actions de ce groupe et les réflexions et analyses qui en découleront.

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